Analyse sectorielle des risques LCB-FT publiée en décembre 2019 par l’AMF : décryptage

Accompagner les entités supervisées par l’AMF dans leurs réflexions LCB-FT

La 5ème directive européenne est entrée en vigueur le 10 juillet 2018 et sera transposée dans chacun des Etats membres au plus tard le 10 janvier 2020. Le processus de transposition en droit français est en cours de finalisation, notamment grâce à la loi PACTE du 22 mai 2019.

Dans ce contexte, le Groupe d’Action Financière (GAFI) a confié au Conseil d’Orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (COLB) une analyse sectorielle des risques LCB-FT. En tant qu’autorité compétente pour la surveillance du secteur financier, l’AMF a accompagné le projet du GAFI au niveau national en publiant son Analyse Sectorielle des Risques (ASR) LCB-FT en décembre 2019.

L’ASR a pour vocation d’accompagner les entités supervisées par l’AMF dans leurs réflexions LCB-FT ; elle ne remplace pas les analyses plus fines qu’elles-mêmes peuvent conduire.

Conforme à la méthodologie du GAFI, l’ASR croise les menaces et les vulnérabilités de chaque secteur assujetti à l’AMF, afin de conclure sur son niveau de risque sectoriel théorique. Les menaces représentent l’exposition du secteur aux activités délictuelles et internationales en matière de risques LCB-FT. Les vulnérabilités représentent les caractéristiques intrinsèques du secteur pouvant le rendre fragile face à ces menaces (exemple : anonymat du bénéficiaire effectif, opacité des transactions…).

Afin d’obtenir le risque réel du secteur, le risque théorique est corrigé des mesures d’atténuation mises en place par l’AMF (mise en place d’obligations en matière de documentation par exemple).

Méthodologie du GAFI, extrait de l’ASR, page 5, amf-france.org

L’ASR n’identifie aucun secteur présentant un risque élevé

Les secteurs classés par l’ASR en risque faible sont la gestion collective des instruments financiers (GIF) et l’activité de dépositaire central et gestionnaire de systèmes de règlement-livraison de titres exercée par Euroclear France. Ces secteurs sont liés aux marchés réglementés de valeurs mobilières peu attractifs pour les activités délictuelles (menace faible) et aux chaînes de souscription ne mettant en lien que des acteurs déjà assujettis aux obligations LCB-FT (vulnérabilité faible).

Sept secteurs sont classés par l’ASR en risque modéré : le capital investissement, la Gestion Sous Mandat (GSM), la gestion immobilière, les Conseillers en Investissement Financier (CIF), les Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN), les Conseillers en Investissement Participatif (CIP), et les levées de fonds par jetons numériques (Initial Coin Offering/ICO). Ces secteurs sont sensibles aux activités délictuelles par la diversité des produits qui peuvent en outre se trouver dans des secteurs industriels ou des pays à risque (menace modérée). Les diligences documentaires sont par ailleurs difficiles à mettre en œuvre pour des investisseurs à distance ou étrangers (vulnérabilité modérée).

L’ASR n’identifie aucun secteur présentant un risque élevé à la fois au niveau des menaces et des vulnérabilités.

Après un fort développement en 2016-2018, les ICO sont très récemment assujetties aux obligations LCB-FT

A titre d’illustration du rapport de l’AMF, la mise en œuvre de la méthodologie du GAFI pour le secteur des ICO conduit à un niveau de risque réel modéré.

En effet, les levées de fonds effectuées à travers une blockchain étaient moins nombreuses en 2019 comparé aux trois exercices précédents, et représentaient des montants limités face aux circuits de financement traditionnels.

Les ICO ne sont pas directement exposées aux menaces d’activités délictuelles, les jetons numériques étant notamment peu liquides, difficilement convertibles en d’autres actifs numériques ou en monnaie fiduciaire. Elles sont en outre émises le plus souvent par des start-up avec un risque de perte totale sur investissement avéré. L’ASR relève donc un niveau de menace faible.

En revanche, l’écosystème numérique des ICO les rend très vulnérables compte tenu du recours à la blockchain et à des prestataires de services en ligne qui privilégient l’anonymat et les relations à distance. L’ASR révèle de ce fait un niveau de vulnérabilité intrinsèque élevé.

Le niveau de menace faible associé au niveau de vulnérabilité élevé positionne le secteur des ICO à un niveau de risque théorique modéré.

L’AMF a mis en place des mesures d’atténuation de ces vulnérabilités visant à assujettir les émetteurs à un visa (ou agrément), mais aussi aux obligations LCB-FT. Le visa et l’agrément restent cependant optionnels, et les obligations LCB-FT n’existent que pour la durée de l’ICO et dans la limite des transactions avec les souscripteurs. Ces mesures limitées et récentes ne permettent pas encore de réduire significativement le niveau de vulnérabilité. Le risque sectoriel réel reste donc modéré.

Une même analyse a ainsi été menée par l’AMF pour les autres secteurs placés sous sa supervision.

Synthèse des risques sectoriels, extrait de l’ASR, page 34, amf-france.org

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