« Défaillance des entreprises : impact sur le coût du risque des banques et la gestion du risque de crédit »

Divers facteurs, comme l'inflation, contribuent à une pression accrue sur les entreprises et impactent le coût du risque des banques.

En bref :

Le risque de crédit, qui désigne la possibilité qu’un emprunteur ne puisse pas honorer ses engagements financiers, constitue une préoccupation centrale pour les banques, particulièrement dans un contexte économique incertain. En France, la défaillance des entreprises accentue ce risque, car elle peut entraîner des pertes importantes pour les institutions financières, perturber l’économie et affecter la confiance des investisseurs.

Divers facteurs, tels que la hausse des taux d’intérêt, l’inflation, ou encore les défis économiques mondiaux, contribuent à une pression accrue sur les entreprises, rendant le remboursement des crédits plus difficile.

Dans ce cadre, les banques doivent redoubler de vigilance en ajustant leurs stratégies de gestion des risques et en diversifiant leurs portefeuilles pour limiter l’impact des défauts de paiement.

Table des matières

I. INTRODUCTION

II. L’AUGMENTATION DU COUT DU RISQUE BANCAIRE

III. LA GESTION DU RISQUE DE CREDIT FACE A LA DEFAILLANCE DES ENTREPRISES

IV.     L’IMPACT DES NORMES REGLEMENTAIRES

V.      L’IMPACT SUR L’ECONOMIE

VI.     CONCLUSION

VII.     SOURCES

INTRODUCTION

La défaillance des entreprises constitue un enjeu majeur pour les banques, car elle impacte directement le coût du risque bancaire et la gestion du risque de crédit. Lorsqu’une entreprise ne peut plus honorer ses engagements financiers, les banques, en tant que créancières, enregistrent des pertes qui influent sur leur rentabilité et leur solidité financière.

En 2024, la France a enregistré une hausse des défaillances d’entreprises, avec un total de 67 830 faillites, soit une progression de 17 % par rapport à l’année précédente. Cette tendance impacte directement la stabilité financière des banques et leur capacité à financer l’économie.

Le coût du risque des banques françaises a connu des évolutions notables récemment. En 2024, il a augmenté de 19,71%, atteignant 11,8 milliards d’euros contre 9,9 milliards en 2023, année marquée par des tensions géopolitiques et inflationnistes.

En fin 2024, les cinq principales banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Groupe Crédit Agricole, Groupe BPCE et Crédit Mutuel Alliance Fédérale) ont enregistré un bénéfice net global de 32,2 milliards d’euros, soit une hausse de 11% par rapport à 2023. Cette performance résiliente est attribuée à leur modèle de banque universelle diversifié.

Cependant, des signes de dégradation de la qualité des actifs ont été observés, notamment une augmentation du taux des prêts non performants aux entreprises, bien que ces encours restent faibles.

Les banques se préparent à une possible hausse du coût du risque en raison du ralentissement économique et de la hausse des taux d’intérêt, qui pourraient affecter la capacité de remboursement des emprunteurs.

Les banques françaises restent vigilantes face aux incertitudes économiques et ajustent leurs stratégies pour préserver leur rentabilité et leur solidité financière.

L’AUGMENTATION DU COUT DU RISQUE BANCAIRE

Définition et composantes du coût du risque bancaire

Le coût du risque est un indicateur clé dans la gestion du risque de crédit des établissements de crédit. Il permet d’évaluer l’impact financier des pertes potentielles liées aux créances douteuses et aux défauts des emprunteurs.

Il mesure la charge que représente le risque sur la rentabilité d’une banque et est généralement exprimé en pourcentage des encours de crédit.

Le coût du risque traduit le niveau de pertes attendues et réelles sur le portefeuille de crédits d’une banque. Il est directement influencé par plusieurs éléments du risque de crédit :

  • Taux de défaut des emprunteurs : Plus il est élevé, plus le coût du risque augmente.
  • Qualité du portefeuille de prêts : Une forte concentration de crédits à des emprunteurs fragiles entraîne une hausse du coût du risque.
  • Efficacité des garanties et recouvrements : De bonnes garanties (hypothèques, cautions) permettent de réduire les pertes et donc le coût du risque.
  • Environnement économique : Une récession ou une crise économique peut faire grimper le taux de défaut et donc le coût du risque.

Le calcul du coût du risque permet d’ajuster la stratégie de crédit des banques en fonction des évolutions économiques et de la qualité des emprunteurs.

Les banques pilotent leur coût du risque afin d’optimiser leur stratégie de crédit et leur exposition au risque :

  • Fixation des taux d’intérêt : Un coût du risque plus élevé sur un segment de clientèle entraîne des taux d’intérêt plus hauts pour compenser le risque.
  • Politique d’octroi de crédit : Une hausse du coût du risque peut inciter à durcir les conditions d’octroi des prêts (exigence de garanties plus strictes, sélection plus rigoureuse des emprunteurs).
  • Allocation du capital : Le coût du risque influence la répartition des fonds propres pour couvrir les pertes potentielles (exigences de Bâle III).
  • Optimisation des provisions : La banque ajuste ses provisions en fonction des prévisions de pertes sur crédit (provisions pour risques et charges).

Impact de la défaillance des entreprises sur le coût du risque

Comme évoqué en introduction, le nombre de défaillances d’entreprises en France en 2024 s’élève à 67 830, selon une étude Altares. Cette augmentation significative par rapport aux années précédentes reflète une fragilité persistante du tissu économique français.

Cette hausse des défaillances a un impact direct sur le coût du risque bancaire dans la mesure où elle entraîne une augmentation des crédits non performants (NPL – Non-Performing Loans), ce qui contraint les banques à renforcer leurs provisions et réduire leur exposition aux risques.

Bien que le coût du risque reste limité en 2024, il a cependant impacté significativement leur rentabilité et conduit à un resserrement des critères d’octroi de crédit avec un effet sur l’ensemble de l’économie.

Tendances actuelles :

  • Hausse des défauts : Les banques françaises constatent une légère augmentation des taux de défaut sur les crédits, bien que ces derniers restent, pour l’instant, globalement maîtrisés grâce aux efforts de gestion des risques.
  • Renforcement des provisions : Les établissements bancaires augmentent leurs provisions pour se prémunir contre une montée des défauts à moyen terme.
  • Baisse de la demande de crédit : Avec des taux élevés, les particuliers et les entreprises hésitent à s’endetter, ce qui impacte la croissance des portefeuilles de prêts bancaires.

LA GESTION DU RISQUE DE CREDIT FACE A LA DEFAILLANCE DES ENTREPRISES

Selon une récente étude de la Banque de France, malgré une légère augmentation, la progression du risque de crédit des banques françaises reste maitrisée. Le taux de prêts non performants au sein de leurs bilans s’est établi à 2,61% au troisième trimestre 2024, en légère hausse par rapport à 2023 mais toujours proche des plus bas historiques. L’exposition des six grands groupes bancaires français à la dette des administrations publiques françaises est limitée, cette dette représentant 3,3 % du total de leurs actifs et 71 % de leurs fonds propres Common Equity Tier 1 (CET1).

Outils de prévention et d’évaluation du risque de crédit

La prévention du risque de crédit repose sur plusieurs leviers stratégiques visant à anticiper les difficultés financières des entreprises emprunteuses :

  • Analyse prédictive et Scoring crédit : Les banques utilisent des modèles statistiques avancés pour évaluer la solvabilité des entreprises en fonction de leurs performances financières (bilan, compte de résultat, flux de trésorerie). En 2024, les banques françaises ont renforcé leurs outils d’évaluation du risque en intégrant des indicateurs économiques conjoncturels.
  • Diversification du portefeuille de crédits : La réduction de la concentration des crédits dans des secteurs à haut risque limite les pertes potentielles. Par exemple, le secteur du BTP a connu en 2024 un taux de défaillance de 6,2 %, soit l’un des plus élevés.
  • Surveillance et restructuration des crédits : Mise en place d’alertes précoces pour détecter des signes de détérioration financière et permettre une action préventive, si nécessaire, de renégocier les conditions du crédit.

Stratégie de gestion des risques non performants

Lorsque les entreprises ne parviennent plus à honorer leurs dettes, les banques mettent en place plusieurs stratégies pour limiter les pertes associées aux crédits non performants (NPL – Non-Performing Loans) :

  • Renégociation et restructuration de la dette : En 2024, près de 30 % des entreprises en difficulté ont bénéficié de restructurations de dettes pour éviter la liquidation. Cette stratégie permet aux banques de récupérer une partie de leurs créances en allongeant les délais de remboursement ou en réduisant les taux d’intérêt.
  • Cession de créances douteuses à des sociétés de recouvrement : Afin de limiter l’impact sur leurs bilans, les banques vendent leurs créances douteuses à des fonds spécialisés (hedge funds, sociétés de recouvrement). En 2024, le volume total de cessions de créances douteuses en Europe a atteint 90 milliards d’euros.
  • Recours à des provisions et à la couverture assurantielle : Les banques augmentent leurs provisions pour pertes de crédit afin d’absorber l’impact des défauts. Avec la mise en œuvre de Bâle IV, les exigences en capital ont été renforcées, obligeant les banques à augmenter leurs fonds propres pour couvrir ces risques.

Les stratégies de gestion du risque de crédit sont donc essentielles pour assurer la résilience du secteur bancaire face à la hausse des défaillances d’entreprises.

L’IMPACT DES NORMES REGLEMENTAIRES

Nouvelles réglementations bancaires en 2024

Les normes réglementaires visent à renforcer la stabilité du système bancaire face aux risques de crédit. Elles obligent les banques à adopter des pratiques plus prudentes et à constituer des réserves financières suffisantes pour absorber les pertes éventuelles. Parmi ces normes, on retrouve :

  • Bâle III : Mise en place après la crise financière de 2008, cette réglementation impose une augmentation des exigences en capital pour couvrir le risque de crédit et réduire l’effet de levier excessif.
  • IFRS 9 : Introduit en 2018, ce standard comptable modifie la manière dont les banques provisionnent leurs pertes de crédit en adoptant une approche basée sur les pertes attendues.
  • Bâle IV : Prévu pour entrer en vigueur progressivement d’ici 2025, Bâle IV vise à harmoniser les méthodes de calcul des actifs pondérés en fonction des risques, en limitant la variabilité des exigences en capital entre les banques et en instaurant des exigences minimales pour les modèles internes.

En 2024, de nouvelles réglementations bancaires ont été introduites pour renforcer la sécurité et la protection des données des clients, ainsi que pour améliorer la transparence et la gestion des risques. Ces mesures imposent aux banques de se conformer à des exigences accrues en matière de sécurité, nécessitant des investissements significatifs.

Effets sur les banques

L’impact des normes réglementaires sur les banques est important et se traduit par :

  • Le renforcement des fonds propres : Avec Bâle IV, les banques doivent maintenir un ratio de fonds propres plus élevé, ce qui réduit leur capacité à accorder des crédits risqués.
  • La réduction de l’effet de levier : Moins d’endettement signifie une diminution du risque systémique, mais également une rentabilité potentiellement plus faible pour les banques.
  • L’augmentation des coûts de mise en conformité : Les banques doivent investir dans des systèmes de gestion des risques plus performants et recruter des experts en réglementation.
  • Le resserrement du crédit pour certains emprunteurs : Les entreprises perçues comme risquées pourraient avoir plus de difficultés à obtenir des financements bancaires en raison des exigences accrues en capital.

Ainsi, bien que ces réformes visent à renforcer la résilience du secteur bancaire, elles posent également des défis en matière de financement pour les entreprises, notamment les PME, qui peuvent voir leur accès au crédit se restreindre.

 

L’IMPACT SUR L’ECONOMIE

L’augmentation du coût du risque bancaire en 2024 a considérablement restreint la capacité des banques à financer les entreprises, exacerbant ainsi les difficultés économiques et favorisant un cercle vicieux de défaillances.

Cette tendance s’est particulièrement illustrée par la hausse des faillites d’entreprises, qui a atteint des niveaux record en France. Le tribunal de commerce de Toulouse, par exemple, a enregistré 1 312 procédures collectives au cours des douze derniers mois, soit près d’une centaine de plus que l’année précédente.

Parmi ces défaillances, les redressements judiciaires ont progressé de 14 %, tandis que les liquidations ont augmenté de 8 %, signe que de nombreuses entreprises n’ont pas trouvé de solutions viables pour poursuivre leur activité. Le secteur de la construction est particulièrement touché, représentant à lui seul près d’un quart des entreprises en difficulté, suivi de près par le commerce et l’hôtellerie-restauration, deux secteurs déjà fragilisés par l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat des ménages.

À l’échelle nationale, le nombre total de faillites d’entreprises en 2024 a dépassé les 67 000, enregistrant une hausse de 17 % par rapport à 2023. Cette vague de défaillances a eu un impact direct sur l’emploi, entraînant la suppression de plusieurs centaines de milliers de postes, accentuant ainsi la pression sur le marché du travail et alimentant la montée du chômage.

L’effet domino de ces faillites affecte également l’ensemble du tissu économique: fournisseurs impayés, investisseurs prudents et banques plus frileuses dans l’octroi de crédits.

En ce début d’année 2025, la tendance ne semble pas s’inverser, les indicateurs restent au rouge, et le nombre de redressements et de liquidations judiciaires continue de croître, laissant présager une conjoncture toujours difficile pour les entreprises françaises.

CONCLUSION

Face à la hausse des défaillances d’entreprises en 2024, les banques ont dû ajuster leurs stratégies de gestion du risque de crédit, en particulier à travers le renforcement des exigences en matière de fonds propres.

Les normes réglementaires ont joué un rôle clé dans ce processus, en imposant une gestion plus rigoureuse des risques, notamment en ce qui concerne les risques de crédit et de marché. Ces ajustements visent à renforcer la résilience des institutions financières face aux turbulences économiques.

Toutefois, cette situation pourrait servir de catalyseur pour un redressement économique, à condition que les régulateurs, les banques et les entreprises collaborent étroitement pour restaurer la confiance et la stabilité. L’alignement des politiques financières et la mise en place de stratégies de soutien adaptées pourraient permettre de surmonter cette crise, ouvrant la voie à une reprise économique durable.

SOURCES

Banque de France

Banques françaises : le coût du risque à surveiller

Le monde

Le monde

Paper Jam

Ifrap

juriguide.com

banque-france.fr

touleco.fr

Défaillances d’entreprises – 2024-12 | Banque de France

lemonde.fr_les-banques-francaises-affichent-de-bons-resultats.

Communique-de-presse-resultats-annuels-2024-de-Mutuel-Alliance

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